L’Énéide
par Virgile
Lorsqu’on parle de récits venant de l’antiquité, on pense généralement d’abord à Homère. C’est en effet à l’auteur grec que l’on attribue les deux poèmes épiques « l’Iliade et de l’Odyssée ». Or, il existe une autre épopée antique, tout aussi fantastique et captivante : l’Énéide, du poète romain Virgile. Ayant déjà une petite idée de ce que les premiers contiennent niveau scenario, j’étais depuis longtemps assez curieux de ce que contenait la moins connue des trois.
L’Énéide commence donc avec la chute de Troie. Énée, héro de la lignée du roi Priam, échappe à la destruction, et parvient à embarquer vers l’ouest avec quelques compères. A la recherche d’un territoire qui lui a été promis par les dieux pour établir une nouvelle cité, il va rencontrer de nombreuses embûches sur son chemin. Tempêtes, batailles « homériques », et autres interventions divines vont tour à tour se dresser sur son chemin. Faisant des escales dans toute la Méditerranée (Crête, Afrique du nord, Sicile, …), les épreuves se succèdent. Mais la destinée du héros sera plus forte, et Énée parviendra à ses fins, évidemment, car tel l’ont voulu les dieux.
Un homme parmi les dieux
Enfin… certains dieux ! Car si Énée, fils de Vénus, possède les faveurs de cette dernière, il s’est aussi mis Junon à dos… Ces deux déesses vont respectivement l’aider et l’entraver, avec Jupiter pour arbitre central. D’ailleurs, comme Junon est l’épouse de Jupiter, elle peut cajoler ce dernier, et il se laisse faire. Mais Vénus est quand même sa fille, donc il ne peut pas être trop dur non plus avec Énée… Bref… quelle généalogie.
Et Énée s’immisce entre tout ce beau monde, et le délice de l’Énéide réside pour moi dans cette interaction entre mortels et immortels. Les premiers ne sont finalement que des marionnettes dans les mains des derniers, qui n’hésitent jamais à jouer avec leurs vies et leurs passions. Les hommes vénèrent, font des offrandes, demandent des faveurs lors des batailles… pour finalement n’être que des pions dans un grand jeu de Dames qui les dépasse.
L’Énéide, une narration assez différente
L’Énéide détone par rapport à des récits modernes, notamment par sa structure. Déjà, elle est écrite en vers, c’est un poème après tout. La traduction respecte ce format poétique. Mais là où la poésie classique adopte un rythme calqué sur les mètres de chaque vers, ici les phrases enjambent les vers allègrement. Par exemple :
… la fin de la phrase précédente. Ensuite, une phrase va pouvoir
commencer sur une ligne, puis continuer sur une autre
avant de finir sur la troisième. Cela rend la lecture compliquée, car
du coup, on ne peut pas chercher de rythmes dans les phrases
en fonction des vers. Ce qui m’a dérangé au départ
car dans mon esprit, poème = lecture rythmée. Bref,
un besoin d’adaptation au début.
Ensuite, l’attention apportée à différents éléments de l’histoire peut être extrêmement disparate. Virgile peut passer deux pages à décrire un objet ou un endroit, avant de bâcler en une phrase un élément essentiel de la trame narrative !
Son casque était si finement ciselé,
tout comme son chariot entrainé par des chevaux
blancs qui n’avaient aucun égal sur terre
[…15 lignes sur les même bases…]
et son bouclier doré.
Bref, il alla à la guerre, et il tua tout le monde.
Un peu étrange aussi. Mais au final, cela force à se concentrer sur tous les éléments de l’histoire, pas simplement sur le narratif. Et du coup, on découvre énormément sur les moeurs des romains, les détails historiques, et les familles romaines… Ah, les familles ! Virgile est le maître incontesté du name dropping. Jamais vu ça à ce niveau ailleurs, même dans des grosses séries de fantaisie. Lorsqu’un héros part au combat, le nom de chacun des ennemis qu’il achève est donné, un par un, avec des infos sur qui ils sont, qui sont leurs parents, où ils ont mené bataille par le passé, etc… Dans un tourbillon incroyable ! Honnêtement, j’ai pas mal zappé ces passages.
Enfin, il y a un déséquilibre entre les différentes parties de l’oeuvre, qui est découpée en 12 chants (ou livres) assez inégaux. Notamment, les 6 premiers sont les plus marquants, ceux qui m’ont apporté le plus de plaisir de lecture. Énée est en proie aux orages, intrigues amoureuses, descente aux enfers pour parler à son père, etc… Alors que les 6 derniers chants se concentrent quasi uniquement sur la guerre qu’il mène contre les clans locaux une fois qu’il arrive en Italie. Moins intéressant, mais pas désagréable à lire pour autant !
Contexte historique
Je pense que la majeure partie du contexte historique m’a échappée. Avec une bonne post-face cependant, on comprend tout de même un peu mieux pourquoi l’oeuvre a été écrite. Et comment elle a été reçue lors de sa publication, puis enseignée au travers des âges. N’étant pas forcément à jour sur mon histoire romaine, j’ai dû rater plein de références. Mais au final, pas grave. C’était un livre qui était depuis longtemps dans ma « pile de livres à lire », et je suis bien content de l’avoir enfin lu !