Apocalypse cognitive
par Gérald Bronner
Gérald Bronner, sociologue de son état, nous livre dans « Apocalypse cognitive » son analyse de l’état actuel du marché cognitif. Il explore ce que lui et d’autres ont appelé, parfois dans des contextes différents, le temps de cerveau disponible. Une foule de tendances sociologiques, comme l’apparition des congés payés, l’automatisation des tâches ménagères, l’augmentation de la productivité au travail, auraient libéré une quantité incroyable d’heures dans la vie humaine par rapport aux générations précédentes.
Ces nouvelles heures disponibles auraient donc théoriquement du nous permettre de créer et d’inventer, de résoudre les grands problèmes de l’humanité, de multiplier les hobbies et autres entreprises artistiques ! Or, Bronner postule que ce temps de cerveau disponible, qui constitue un véritable trésor, est happé quasiment entièrement par les écrans. D’abord par la télé, puis l’ordinateur, et enfin le smartphone. Nous serions devenus les jouets de ces écrans.
Bronner identifie que ce sont les instincts primitifs de l’homme qui sont utilisés pour nous voler notre attention, notamment sur les réseaux sociaux. Exploitant notre appétit pour le sexe, notre fascination pour les conflits, et notre instinct de peur fondamental, les plateformes et autres services internet jouent des failles de notre cerveau pour faire rentrer les ronds.
Beaucoup de chiffres, peu d’analyse
Apocalypse cognitive, c’est avant tout un tsunami de références à des études et des publications académiques, surtout dans le domaine de la sociologie, pour aborder la problématique de l’attention. Problème : beaucoup de ces études sont loin d’être nouvelles. Passer 2 pages sur « l’expérience du marshmallow« , ça fait quand même très réchauffé… Plus grave : certaines de ces « études » ou exemples sont beaucoup plus basés sur des simplifications, ou relèvent d’un « bon sens » tout relatif. Par exemple, les enfants des riches qui iraient tous dans des écoles sans écrans, alors qu’évidemment, c’est beaucoup plus compliqué que ça…
Au-delà de cet agencement un peu fourre-tout de chiffres, j’ai trouvé l’analyse de Bronner superficielle, avec une argumentation hyper basique : « il faut mieux éduquer. » Dans le domaine, on est quand même très loin de l’analyse en profondeur de Shoshana Zuboff avec son « Capitalisme de Surveillance« , par exemple. Certes, comparaison extrême : cette dernière oeuvre est séminale dans le domaine. Mais même un podcast de 50 minutes peut faire une analyse aussi complète de sujets de ce genre. Je peux par exemple recommander cet excellent épisode de « Le code a changé » sur le thème « enfants et écrans. »
Ajoutez à ça un style au mieux ronflant, au pire franchement peu clair, et ça donne une lecture plutôt peu haletante pour quelqu’un qui aurait déjà une exposition même extrêmement minime à ces sujets. Le livre reste une exposition intéressante pour le néophyte complet, mais si tu connais un tout petit peu internet : passe ton chemin.