The World in a Grain
par Vince Beiser
Mais pourquoi diable le sable est-il un sujet d’intérêt ?
Tour de force : « Expression que l’on emploie pour parler d’un acte qui nous étonne, nous surprend et qui inspire le respect tant sa réussite est difficile. » C’est donc bien un tour de force que Vince Beiser a réalisé avec son livre « The World in a Grain » (le monde dans un grain) : il a écrit 250 pages absolument passionnantes avec pour fil conducteur « le sable. »
Le sable est partout, comme nous le rappelait Anakin dans une des pires scènes de l’univers Star Wars…! On s’en rend bien sûr compte lors d’une journée farniente sur la plage, ou à l’occasion d’une ballade en forêt. Mais surtout (et on y pense sans doute beaucoup moins souvent), le sable est omniprésent dans notre vie quotidienne en tant que matériau de construction. Il est mixé à du ciment dans le béton qui fait nos murs. Les routes qui nous permettent de nous déplacer sont grandement dépendantes de ce matériau. Il est fondu dans le verre des fenêtres de nos maisons, de nos lunettes, de nos microscopes, etc. On en trouve même au coeur des objets les plus sophistiqués que nous possédions, sous forme de silicone : les microprocesseurs de nos appareils électroniques…
Le sable en tant que moteur du progrès
Au delà de cette présence directe, le sable est utilisé en très grandes quantités dans les processus industriels les plus complexes. La fracturation hydraulique (ou fracking), la construction de terrepleins industriels géants, les projets de plages artificielles ou réaménagements de plages naturelles… Autant de type de grands travaux qui nécessitent des quantité faramineuses du matériau.
Beiser nous raconte toutes ces utilisations du sable en commençant par les concepts scientifiques (très vulgarisés). Puis en appuyant assez largement sur l’aspect économique de l’industrie du sable. Les anecdotes sur les magnats du sable dans la première moitié du XXème siècle sont particulièrement croustillantes. Beiser fait un numéro d’historien économique superbement illustré et très divertissant.
Il a notamment été remarquable pour moi de réaliser que le sable est à ce point utilisé dans des projets qui sont très « nouveaux ». Avant 1900, il n’était quasiment pas utilisé, ou en très petites quantités. Et si on avance de 100 ans, il est omniprésent autour de nous. D’ailleurs, Beiser retranscrit parfaitement l’énormité des quantités de sable utilisées aujourd’hui. On les compte en effet en dizaines de milliards de tonnes chaque année. Notamment, la rapidité de l’urbanisation en Chine joue ici un rôle majeur. Mais la tendance est visible partout, que ce soit dans les émirats, à Singapour, ou en Occident. Cette accélération du cycle industriel est parfaitement retranscrite par l’auteur. Et créé bien des soucis pour notre avenir…
Les problèmes liés à notre consommation de sable
Comme toute ressource naturelle, le sable est disponible en quantité finie. Ou en tout cas, son extraction de la terre devient de plus en plus compliquée, et coûteuse, à mesure que les gisements faciles d’accès sont exploités. Et comme à chaque fois qu’une ressource devient compliquée à extraire, continuer à le faire crée d’énormes problèmes.
Ici, la liste des impacts négatifs de l’exploitation du sable est longue comme le bras :
- Les écosystèmes des rivières vidées de leur sable sont ravagés,
- Le sable extrait des fonds marin détruit des zones de coraux énormes et change les courants marins,
- Destructions des dunes et plages naturelles qui protégeaient les zones côtières,
- Les mines à ciel ouvert, polluantes, se multiplient dans des zones résidentielles,
- Le pouvoir se concentre dans les mains de quelques compagnies qui font la pluie et le beau temps sur les marchés,
- Les mines illégales poussent de partout, résultant sur de nombreux meurtres, une corruption rampante des services de police, etc…
- Conflits géopolitiques à cause des flux internationaux de sable…
Bref, le sable créé des conflits humains importants, et les enjeux écologiques planétaires qui en découlent sont énormes. Prendre conscience de cette réalité est essentiel, et le livre de Beiser est un excellent premier pas dans cette direction. Et la leçon que l’on tire de la lecture est la même que dans beaucoup d’autres domaines : nous allons tous devoir apprendre à consommer moins. Il en va de la survie de nos plages !