En septembre 2022, j’ai eu le privilège de pouvoir m’exprimer quelques minutes en ouverture de la conférence TrustCon, à Palo Alto en Californie. Cette TrustCon 2022, en plus d’être le premier événement professionnel post-covid auquel je me sois déplacé, était également la toute première grande conférence 100% Trust & Safety !
En effet, la Trust & Safety est une discipline relativement nouvelle, qui n’avait auparavant qu’une place d’invitée à des conférences sur d’autres sujets connexes (cybersécurité, lutte contre la fraude…). Il y avait donc un créneau à prendre dans l’industrie, que la Trust & Safety Professional Association s’est empressée d’occuper. Je les remercie d’ailleurs pour leur invitation.
Trust & Safety : kézako ?
Le Trust & Safety, c’est la discipline qui définit et régule les contenus et comportements abusifs sur les plateformes en ligne, dans le but de protéger les utilisateurs contre des expériences négatives et nuisibles.
Je représentais mon employeur (Google) qui était sponsor de l’événement. Et j’ai partagé mon point de vue personnel sur l’évolution de la Trust & Safety depuis que j’ai rejoint ce domaine en 2012.
L’article ci-dessous reprends mes propos de ce jour-là. Je retiens surtout de cette expérience l’excitation que j’ai ressentie de pouvoir m’adresser à des centaines de professionnels qui connaissent très bien le monde des équipes anti-abus dans les entreprises tech. Et j’espère revivre bientôt ce genre de rencontres (peut-être au Trust & Safety Forum à Lille, en avril 2023).
Et en attendant, je suis toujours disponible pour des conversations sur ces sujets, tous les vendredi matins – voir les créneaux disponibles.
J’ai rejoint le monde de la Trust & Safety plus ou moins par hasard
C’était maintenant il y a plus de 10 ans, en 2012. Et comme beaucoup de personnes dans ce milieu, ça a été plutôt un coup du sort. Je crois que quasiment personne ne se lève un matin en se disant : « un jour, je serai modérateur de contenu ! » La Trust & Safety, on y arrive souvent par des chemins de traverse :
- J’ai rencontré des community managers qui se sont rendus compte que les internautes ne sont souvent pas naturellement amicaux les uns envers les autres. Et qu’il faut donc établir et faire respecter des règles pour qu’une communauté ne devienne pas toxique (un constat déjà valable sur les premiers forums UseNet ou phpBB).
- J’ai vu des avocats spécialistes du web, habitués à faire supprimer d’un service web les contenus manifestement illégaux, qui se sont vite retrouvés confrontés à une question bien moins binaire : que faire de contenus qui, bien que techniquement pas illicites, sont quand même bien pourris…?
- J’ai entendu des développeurs se plaindre du fait que des utilisateurs de leur produit exploitaient ce dernier à des fins abusives ou frauduleuses. Et qui ont donc du chercher des solutions pour éviter ces abus à la racine, et s’assurer que le produit ne soit détourné.
Toutes ces questions, c’est de la Trust & Safety.
Personnellement, mon arrivée dans le domaine s’est faite par le SEO. J’étais en recherche de boulot à la sortie des études, je faisais un peu de SEO vite fait, un peu de web dev drupal, et j’avais un petit intérêt pour l’anti-abus. Et me voilà jeté dans le grand bain, à assurer la modération du moteur de recherche organique de Google !
C’était il y a 10 ans, et tout a pas mal changé depuis…
A Google, le département ne s’appelait même pas encore « Trust & Safety » ! Le terme existait, et on en trouve d’ailleurs des mentions remontant au début des années 2000 sur le web, mais l’industrie de la tech américaine s’est accordée sur ce nom pour décrire la discipline plus ou moins vers 2015 (si ma mémoire est bonne).
Avant, à Google, cela s’appelait « Product Quality Operations », un nom qui nous ramène pas mal en arrière… J’aime le fait que ce nom intègre Product Quality : cela montre l’importance pour une entreprise de mettre en ligne un produit qualitatif, afin de fournir le meilleur service possible à ses utilisateurs et clients. Mais le mot Operations se concentre un peu trop sur l’aspect transactionnel du métier : modération manuelle des contenus, listes de mots clés à maintenir, etc..? C’est certes une partie du job, mais c’est assez réducteur.
Le nom de Trust & Safety (confiance et sécurité, en gros) permet de s’éloigner un peu des questions du QUOI ? (les tâches effectuées : modération, etc…) et du COMMENT ? (optimisations opérationnelles), pour se concentrer sur le POURQUOI ?. On arrive, je crois, à ce qui constitue le but ultime de toute personne travaillant dans le milieu : assurer la confiance que le grand public place dans les plateformes en ligne, et faire en sorte que ce dernier se sente en sécurité et bienvenu sur le web.
Qui sont les professionnels du Trust & Safety ?
Ce qui n’a en revanche pas beaucoup changé en 10 ans, c’est la passion que tant de pros du domaine ont pour leur job ! C’est en effet une discipline « passion » avec un fort sens de la mission, et l’impression d’avoir un impact positif réel sur de nombreuses personnes tous les jours.
Les rôles se sont multipliés et professionnalisés : analystes, spécialistes Policy, recherche utilisateur, ingénieurs et développeurs, data scientists, experts cybersécurité, et bien d’autres encore. La répartition géographique est des plus en plus importante, avec un nombre de langues parlées et de cultures représentées en croissance permanente.
Et l’écosystème se développe aujourd’hui à vitesse grand V. En plus des employeurs traditionnels (les grandes plateformes tech et les fournisseurs de travailleurs contractuels), on dénombre de plus en plus de start-ups, de fournisseurs de technos, de consultants spécialisés, etc… La discipline se professionalise, en partie due à l’atteinte d’une certaine maturité, après près de deux décennies, et en partie sous la pression de régulations présentes et futures plus contraignantes.
Bref, il fait bon être dans la Trust & Safety en 2022, les perspectives d’évolution sont bien là, et le sujet est sur toutes les lèvres (il n’y a qu’à voir les discussions que le rachat de Twitter par Musk ont créées à ce niveau). La tenue de la première édition d’une conférence comme TrustCon en 2022 est tout sauf une coïncidence. Et il y a fort à parier que de moins en moins de personnes arriveront dans cet univers par hasard.
Pour échanger à propos de cet article ou de tout autre sujet Trust & Safety, je suis disponible tous les vendredi matins – vois quels créneaux sont disponibles, et viens en discuter !
Si aucune disponibilité dans les prochains jours ou semaines, mes DMs Twitter sont ouverts. 🙂